Cela faisait maintenant près d'une semaine qu’Anne avait débarqué dans la petite ville de Montreuil. Elle n’avait guère fait autre chose que travailler et dormir, n'ayant pas encore eu l'occasion de prendre de jour de congé. Elle n'en avait pas demandé, Madame Manon lui ayant laissé une journée pour récupérer lors de son arrivée sous la pluie.
Mais sa charmante patronne, tout aussi heureuse d’avoir une nouvelle employée des plus efficaces et des plus motivées, avait décidé qu’il était temps pour Anne de profiter réellement de sa vie dans la bourgade.
Anne en avait profité pour se promener dans les bois environnants, savourant avec délices l’arrivée du printemps dans la campagne française.
L’humidité de la région couplée à un soleil étonnamment présent avaient fait surgir comme une explosion de verdure tout autour d’eux. La jeune femme aimait être assaillie par les odeurs de terre fraichement retournée par les fermiers de la région, mêlée aux fleurs à peine écloses. Elle y trouvait une certaine forme de repos et sa vie retrouvait une tranquillité qu’elle n’avait plus connue depuis bien longtemps.
C’est pourquoi elle avait profiter de cette journée ensoleillée pour aller piqueniquer, sa petite sacoche avec elle emplie des quelques victuailles qu’elle pouvait se procurer, elle avait remarqué avec un plaisir non dissimulé que les placards de Madame Manon regorgeaient de bonnes choses auxquelles elle avait accès. Servir des dignitaires allemands avait cela de bon qu’ils étaient toujours généreux avec leurs hôtes, surtout s’ils avaient passé une bonne soirée.
Après avoir passé pratiquement toute la journée en forêt, elle s'était décidée à visiter un peu la ville, décidant qu'il était temps de connaitre un peu mieux l'endroit où elle allait habiter quelques temps. Après avoir interrogé les autres employés de Madame Manon, elle avait opté pour le quartier de Meunant, réputé tranquille et très agréable à voir.
C’est ainsi qu’elle déambulait, sans but précis, près d’un parc qu’elle trouvait particulièrement charmant, quand elle remarqua un nombre d’enfants peu habituel. Après un instant de réflexion, elle finit par se demander si on était jeudi ou s’il y avait une quelconque semaine de vacances. Elle se rendait compte qu’elle était incapable de s’en souvenir. Peut-être tout simplement n’avait-elle pas fait attention à l’heure et ils avaient fini l’école.
Soupirant devant son incapacité à conclure sur une question aussi simple, elle décida d’aller s’installer sur le seul banc libre dans le petit parc. Elle resta de longues minutes à observer les jeunes enfants qui couraient joyeusement tout autour d’elle, surveillés par des mères au visage triste, fatigué, voire inquiet.
C’est alors qu’elle aperçut un petit garçon qui ne devait pas avoir plus de 10 ans. Il portait sur lui un appareil photo qui semblait être le sien, tellement il le tenait avec dextérité et avec ce sens de la propriété qu’ont généralement les enfants de cet âge. Une femme plutôt jolie, probablement sa mère, qui ne devait guère avoir plus d’une trentaine d’années, s’approcha à son tour, entourée de trois autres enfants tout aussi charmants.
Elle s’installa sur le même banc, le seul à peine occupée en cette belle journée quasi printanière.
Un sourire poli, un peu gêné peut-être, Anne ignorait totalement de qui il pouvait s’agir mais elle avait envie de le découvrir. Peut-être en parlant d’abord aux enfants.
Un large sourire illumina son visage angélique tandis qu’elle fixait le jeune garçon armé de son appareil photo.
« Eh bien bonjour ! Moi je m’appelle Anne, et toi ? Ce doit être ton appareil non ? Tu aimes ça la photo ? »
Une entrée en matière un peu simple, elle devait le reconnaitre, mais faire plus compliquée devant des enfants aurait été stupide. Si sa mère voulait bien discuter un peu, elle saisirait l’occasion. Sinon le reste de la journée d’Anne se passerait dans un silence rêveur jusqu’à son retour au café.